Un avenir sans fumée ? C’est ce que nous annonce Allodocteur dans un reportage diffusé il y a quelques jours. Les journalistes de l’émission animée par Michel Cymes ont en effet enquêté sur le tabac à chauffer, une innovation portée par l’industrie du tabac pour remplacer, à terme, la cigarette. Une enquête menée par France 5 et qui tombe bien, en plein « Mois sans tabac ».
L’idée, c’est que face à ce fléau de santé publique, il serait souhaitable de proposer aux personnes incapables d’arrêter (alors même qu’elles le souhaiteraient) des produits leur donnant leur dose de nicotine, mais sans les produits toxiques de la fumée de tabac : c’est le principe de tous les substituts. Précisément, c’est le cas du tabac à chauffer, un dispositif électronique de chauffage dans lequel se glissent des sticks de tabac, et pour lequel on annonce une nocivité qui serait fortement réduite par rapport à la cigarette traditionnelle.
Lancé par le géant Phillip Morris, ce nouveau produit « plus sain » si l’on en croit les consommateurs interviewés, est disponible depuis mai dans les bureaux de tabacs français. Il est bien sûr d’emblée suspect pour les partisans d’un arrêt total du tabac, comme le professeur Dautzenberg. Dans le reportage de France 5, M. Dautzenberg va jusqu’à déclarer que, selon lui, si le danger de mort passe de « un sur deux, un sur trois, un sur cinq, un sur dix : cela n’a aucune importance ». Car pour les abolitionistes et les partisans des approches de santé publique traditionnelles (grosso modo : tendre vers l’interdiction), le risque est surtout de « rendre acceptable » une consommation qui doit au contraire être dénormalisée et stigmatisée, pour viser un monde sans tabac.
Pour les partisans d’une politique de santé publique de réduction des risques, c’est le contraire. Ils préfèrent faute de mieux que les utilisateurs passent à des produits certes toujours addictifs (la nicotine reste présente) mais aux dommages de santé publique très inférieurs puisque c’est la combustion du tabac qui libère les composés nocifs responsables des maladies liées au tabagisme.
C’est pourquoi les autorités sanitaires (et les associations de lutte contre le tabac) ont changé de stratégies ces dernières années dans de nombreux pays (comme en Angleterre, en République Tchèque, en Suède ou au Etats-Unis), considérant qu’une baisse de danger très significative est préférable au statuquo.
En l’occurrence, on apprend dans le reportage diffusé par France TV, que l’on atteint « environ 90 à 95 % de réduction des niveaux des composés toxiques qui sont connus dans la fumée de cigarette ». Vérification dans les laboratoires suisses de Philip Morris, où l’on constate que les filtres des « machines à fumer » présentés à l’écran sont colorés de jaune pour la cigarette (le goudron) et immaculés pour le tabac seulement chauffé. De plus, lorsque l’oxygène est coupé dans la chambre de combustion, la cigarette s’éteint, alors que le tabac à chauffer continue à produire son aérosol. « La preuve, explique la journaliste, que le tabac n’est pas brûlé comme dans une cigarette », et dégage donc moins de substances nocives.
Les analyses d’urines réalisées sur d’anciens fumeurs passés au tabac à chauffer démontreraient également une chute significative de tous les taux de composés toxiques après quelques jours. Des promesses suffisantes pour attirer d’autres fabricants issus aussi de la cigarette traditionnelle, puisque British American Tobacco (autre géant de l’industrie), s’apprêterait à sortir son propre dispositif à chauffer d’ici 2018.