Des chercheurs et spécialistes du monde médical ont demandé aux organisations nationales et internationales, notamment l’OMS, de mieux prendre en compte les dispositifs de réduction des risques dans leurs politiques de santé publique, à l’occasion de la « Conférence internationale sur la réduction des risques dans les maladies non-transmissibles » qui s’est tenue le mois dernier à Paris.
Plus de 60 % des morts prématurées à l’échelle mondiale sont liées à des maladies non transmissibles, et notamment à la consommation de tabac et d’alcool. Des chiffres qui pourraient être significativement réduits si les politiques publiques étaient davantage axées sur la réduction des risques, ont estimé les participants à cette rencontre, à l’image du professeur David Khayat, l’ancien président de l’Institut national du cancer.
Selon lui, la réduction des risques, qui consiste à accompagner les patients pour limiter la nocivité de leurs pratiques à risque, fait face à la position « dogmatique » de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), notamment en matière de lutte contre le tabagisme, qui se contente d’une approche en « risque absolu » et refuse de considérer les alternatives à la cigarette, comment notamment les gommes et patchs à la nicotine, la cigarette électronique, ou le tabac à chauffer.
« Est-ce qu’on peut dire que conduire une voiture ce n’est pas dangereux ? Non. Mais conduire une voiture avec un ABS, une ceinture de sécurité et à 80 km/h c’est moins dangereux. L’OMS dans la définition de sa mission, ne regarde que l’aspect absolu et non pas relatif. En tant que médecin, je parle du relatif. Je ne dis pas que la cigarette électronique ou le tabac à chauffer c’est bon pour la santé, mais que c’est moins dangereux », a-t-il déclaré.
Même son de cloche du côté du célèbre oncologue britannique Peter Harper pour qui, « si vous ne pouvez pas empêcher une personne de prendre des drogues illicites, vous pouvez prévenir les overdoses et les infections ». Une approche qui privilégie l’accompagnement des patients incapables de décrocher pour limiter la nocivité de leurs comportements et de leur addiction.
Le professeur Harper s’est particulièrement ému de l’approche observée par l’OMS qui « préconise exclusivement des traitements pharmacologiques ayant démontré leur limite », au lieu d’aborder la problématique avec une vision souple et pragmatique qui, dans le cadre de la lutte contre le tabagisme, doit, selon évoluer vers des produits moins nocifs à même de réduire significativement le nombre de cancers, notamment des poumons.
Une position partagée par le professeur Tarik Safwat, spécialiste des maladies pulmonaires à l’Université du Caire. « Pourquoi donc devrait-on rejeter l’innovation dans le tabac ? Nous avons accepté des airbags dans les voitures pour réduire les risques lors d’accidents, des écrans solaires pour protéger la peau, de la méthadone pour les addicts aux opiacés, des préservatifs pour prévenir contre les IST », a-t-il affirmé.
Selon lui, les substituts à la cigarette, aident les fumeurs, qui ne réussissent pas à arrêter seuls, à décrocher et « réduisent les cancérogènes jusqu’à 90 % », ce qui « induirait une réduction des maladies à long terme ».